Encore une fois, je vais me baser sur un truc vu sur le bistro pour rédiger un billet, quelque chose de relativement intéressant. Le passage en question est visible
ici (mettons, pour plus de sécurité, le
lien vers la version fixe), et il traite indirectement d'un concurrent (potentiel,
mais pas réel) de Wikipédia, Knol. Knol est un projet de Google se basant non pas sur une écriture collaborative d'articles, mais sur le principe de concurrence entre articles. Pourquoi pas.
Enfin pas tout à fait. Il traite d'une préquelle à Knol, appelé
Knoler créé par un particulier pour service de réservoir au futur Knol. Si celui-ci ouvre un jour.
Ce qui a intéressé les piliers de comptoir wikipédiens, c'est un article/billet intitulé
Knol, Larousse, Quid et
la fin annoncée de Wikipedia datant de janvier 2008. Pour résumer, et comme le dit son titre, il est exposé pourquoi l'encyclopédie en ligne Wikipédia (principal sujet de ce blog et d'autres
aussi) disparaîtra au profit de ses (futurs) concurrents, dont Knol et Larousse. Personnellement, j'ai quelques doutes sur le raisonnement proposé à notre lecture, ce que je vais exposer
ci-après.
Dès l'introduction, l'auteur présente l'initiative de Google comme une "relève" à Wikipédia, sur laquelle paraît-il, l'essentiel des taches d'administration consiste à pallier les "défauts de son
système" et à "combattre le spam". Et Wikipédia est présentée comme souffrant chroniquement d'un manque de moyens. Drôle d'introduction, je dois dire. En fait, seul
un fait est exact
dans cette présentation : Wikipédia (pardon, la Wikimedia Foundation pour être exact) souffre d'un manque de moyens, puisqu'elle est à but non lucratif. Et ce n'est pas facile, car le contenu
grandissant pose quelques soucis techniques, et par conséquent, financiers. Et pour le reste ? Mon analyse en style télégraphique :
- la relève : il n'y a relève que lorsqu'un site disparait au profit de l'autre. Ce n'est pas exactement ce qui est prévu, selon mes informations.
- les défauts du système : vu que l'on ne sait pas quels sont ces défauts (du moins dans l'introduction) on se demande en quoi l'administration peut (ou pas) corriger ces défauts. Et
ce que recouvre exactement l'administration. Les administrateurs ? Les développeurs ? Autres ?
- le spam : selon ma perception, le spam est un souci mineur sur les projets WMF, d'autant plus qu'il existe une liste noire à disposition des administrateurs ... Et ça va
relativement vite.
Passons à la suite du texte.
Panorama
L'auteur évoque immédiatement le cas
Citizendium, encyclopédie collaborative en principe basée sur l'expertise de ses contributeurs (qualifiés) dans leurs domaines respectives. Et ce
projet est considérée comme schismatique par rapport à Wikipedia, et un avertissement face aux dérives de celle-ci. Le seul point dans cette énoncé sur lequel je suis d'accord, c'est qu'il existe
des dérives dans les projets Wikipédia, par rapport au but initial et aux
règles1. Mais il n'y a pas schisme,
puisque cela impliquerait qu'une partie identifiable des contributeurs wikipédiens quitte les projets Wikipedia pour agir selon des règles similaires ou presques. Et mon petit doigt me dit,
d'ailleurs, que Citizendium rencontre des problèmes tout à fait similaires à ceux de Wikipédia sur la construction de ses articles, puisque les experts intégrés peuvent collaborer sur n'importe
quoi.
L'argument Citizendium n'est pas vraiment en défaveur de Wikipédia.
L'auteur passe par la suite aux relations entre Google et Wikipédia, qu'il qualifie de mésentente cordiale. Pourquoi pas ? Et là, vient encore une affirmation un peu erronée, puisqu'il affirme
que "le responsable du wiki depuis longtemps critique le manque de pertinence des résultats de Google", rajoutant que cela lui semble étrange, Wikipédia arrivant souvent en tête des résultats.
Alors :
- Wikipédia n'a pas de responsable. D'autant plus qu'elle n'est qu'un projet parmi d'autres de la Wikimedia Foundation, qui est dirigée par un conseil d'administration dont la présidente est
connue sous le pseudonyme d'Anthere.
- Que Google mette Wikipédia en premier ne veut pas dire que la réponse à la requête émise soit pertinente. On parle de deux choses différentes. Un peu comme quand on parle de qualité et de quantité sur Wikipédia (ou ailleurs).
Dernière erreur, et pas la moindre : la WMF (je pense que c'est ce que sous-entend l'auteur quand il parle de Wikipédia) n'a pas racheté de moteur de recherche ... Ce serait étonnant de la
part d'un site chroniquement dans le rouge. Il confond avec l'entreprise de James Wales, un des fondateurs de la WMF.
L'auteur présente le fonctionnement de Knol. Rien à redire ... sauf que ça me rappelle un peu le fonctionnement d'un blog orienté encyclopédie (comme ... Knoler). Vivement que je m'inscrive sur
Knol pour pouvoir écrire un article sur le jansénisme
2, auquel je ne connais strictement rien (comme sur Wikipédia tiens). Elle pourra faire aussi son article, que je pourrais piller
allègrement pour améliorer le mien. Et inversement. Donc deux articles pour un même contenu, ça n'en fait pas un de trop ?
Knol sera universel, ajoute l'auteur. Tant mieux. Cela attirera les mêmes problèmes que Wikipédia, avec de jolies fiches sur tout et surtout n'importe quoi.
L'auteur cite Larousse. Se référer à l'expérience décrite pas à pas par David Monniaux sur son blog. J'ai exactement la même (mais j'ai poussé le bouchon un peu plus loin).
L'auteur cite Quid. Qui va lancer un site de style Citizendium. Voir mes remarques plus haut.
Enfin au fait
Après un gros texte, qui apporte peu au final, l'auteur en vient à ce qui m'intéresse : pourquoi Wikipédia va disparaître, selon lui. Je commenterai en style télégraphique (ça va plus vite) :
-
le problème financier (l'auteur parle de modèle économique). L'auteur présente la limitation financière (qui impose la politique d'achat de serveurs, par exemple) comme un des points
noirs pour Wikipédia. L'argent comme nerf de la guerre, je ne peux qu'être d'accord. Mais il existe quelques moyens intéressants de faire rentrer des fonds, et limiter les dépenses, y compris
la publicité.
-
le logiciel de base : "Wikipedia repose depuis toujours sur le logiciel wikimedia doté d’une structure récursive simpliste et d’un outil d’édition plutôt frustre. Le wiki s’est surtout
bornée à développer des outils internes pour lutter contre le spam". Le logiciel s'appelle MediaWiki, déjà. Et pour l'instant la lutte contre le spam est un souci mineur, puisque les
développements des outils de gestion (administration, pour faire simple) ne sont pas vraiment centraux. Le plus drôle, c'est que l'auteur nous vante par la suite les développements logiciels
de Google ... Très bien, mais MediaWiki est libre, et ne sert pas qu'à Wikipédia, déjà. Et j'ai toujours eu du mal à voir l'utilité d'un simulateur de vol dans Google Maps. J'ai aussi un
point de vue très différent sur l'accessibilité : ainsi, quand Caramail est passé sous contrôle de Lycos (avec une sois-disante amélioration, qui complexifiait les choses), elle a perdu
énormément en facilité d'édition et en attractivité. Et ça s'est vu.
-
Question de moteurs : en gros : rien n'est moins sûr, puisqu'au départ, Wikipédia est en tête ... Et penser qu'un article est de qualité parce qu'il est signé par quelqu'un est un
postulat osé. Très osé.
La conclusion de l'auteur
Cette conclusion est un aveu flagrant de la méconnaissance du fonctionnement de Wikipédia. Des erreurs parmi d'autres :
-
les administrateurs se voient dotés d'un pouvoir éditorial. Ce n'est pas le cas.
-
Wikipédia se voit supplantée. Ce n'est pas le cas non plus. La plupart de ses concurrents n'existent pas encore ou ne sont pas ouverts au public, et quand c'est le cas, le fameux
brevet Google indique toujours Wikipedia en tête. C'est étonnant, si on suit les affirmations de l'auteur.
- "Wikipédia doit disparaître" affirme l'auteur. Rien dans ce qui est présenté ne le laisse présager dans un futur proche.
Ma conclusion
Comme à chaque fois que l'on émet une critique envers Wikipédia, il serait plus que souhaitable que l'auteur soit réellement au courant des faits, et n'en fasse pas un débat biaisé par
une idéologie (ici, c'est Knol la solution ultime, et si il fallait encore le prouver, regarder
ici, à la fin). Si l'on se réfère à Citizendium, plusieurs
fois cité, dont Knol reprend les principes de fonctionnement, l'avenir de Knol ne s'annonce pas vraiment radieux, sauf à compter sur un bon coup de pouce de Google.
Dernière chose : je ne suis pas pro-wikipédia (ce serait d'un commun ...), quoi qu'on puisse en penser. Seulement, si la critique se veut pertinente, il faut qu'elle soit étayée.
N.B. : Jour de "Knoler", est bien sûr une référence cryptique au
dies irae.
1. Ce billet est certainement le plus cité sur ce blog pour le moment. Ne pas hésiter à le lire (fin du moment d'autosatisfaction).
2. Ceci est un clin d'oeil éhonté à une fidèle lectrice (au nombre de commentaires, elle doit être en concurrence avec Scrongneugneu).