J'en avais déjà parlé
il y a quelques jours, mais le sujet ne s'étant pas calmé (c'est le moins que l'on puisse dire), j'y
reviens.
Petit rappel rapide
Quelques contributeurs venus de la Belle-Province et du reste du Canada trouvent scandaleux que Wikipédia ne parle pas le québecois. Je dis bien le québécois, ou français du Canada, et non pas le
français. Cela avait commencé
1 en mars 2008 sur
cet article qui traite d'un sujet hautement polémique: le palet de
hockey. La lecture de la page de discussion est assez instructive, puisqu'elle commence ainsi :
"Au Canada c'est le sport national; alors il me semble logique de renommer cet article en Rondelle (hockey sur glace) et spécifier dans l'article qu'en France, on dit "palet". "
(voir ici)
Le tout par Antaya, déjà identifié dans ce blog comme étant un des
extrémistes militants de la langue telle qu'elle est
parlée écrite outre-Atlantique. Et là, tant pis pour vous, amateurs de hockey non-québécois, c'est le
Canada Québec qui décide. Ou plutôt, c'est une frange que j'oserai qualifier d'intégristes linguistiques québécocentrés qui va décider pour tout le monde.
Et tant pis, derechef, si ils ne sont qu'une minorité au sein même de la Francophonie.
Cela a donné un
appel aux Wikipompiers2, quand même (le ridicule ne tue pas), et, plus
drôle
3 si j'ose dire, l'essentiel (90 %) de l'article sur le palet est consacré à cette querelle linguistique, avec mise en avant du rôle du désormais fameux
Office québécois de la
langue française en minimisant complètement l'appelation courante (c'est-à-dire celle de la majorité des Francophones), comme si elle n'était qu'accessoire. Ah, et aussi qu'une spectratrice
a peut-être été tuée par un palet (il est, c'est sûr, essentiel de savoir qui c'est, on n'attend plus que la fiche consacrée à cette glorieuse inconnue).
En gros, cet article ne sert pas à grand chose (en tout cas pour l'amateur de hockey) si ce n'est à avaliser un combat absolument militant au détriment de la règle de neutralité
4.
Palet et conséquences
Après ce coup d'éclat, le calme semblait revenu, jusqu'aux interventions bistrotières de nos amis québécophones
5. L'accueil plutôt froid qui leur avait été réservé deux jours de suite
les avait fait quitter le Bistro, au grand soulagement des autres Wikipédiens, et je dois dire que naïvement, je pensais qu'ils avaient compris.
Quel incorrigible optimiste fais-je !
Les discussions se sont déplacées sur leurs pages de discussions respectives, ainsi que sur le
projet:Québec6.
Le gros avantage de ce déplacement, c'est que le calme est revenu sur le bistro. Le gros désavantage c'est que plus personne ne leur apportant la contradiction, la sauce est montée petit à petit,
pour en arriver ces jours-ci à un vrai grand n'importe quoi.
Rendons nous donc sur la
page de discussion du projet:Québec (et dans ses archives), une section intitulée
Francisation de Wikipédia (rien que ça ...)
On y trouve d'un côté l'équipe 1 (Antaya, Khayman, Jimmy Lavoie, et autres) qui semblent refuser tout ajout de mot anglais en français. Et de l'autre l'équipe 2 (Moyg, Boreal et GL, qui
n'est pas canadien me semble-t-il) qui leur apportent une contradiction étayée et argumentée, mais qui n'est pas vraiment écoutée par l'équipe 1.
Parmi les "arguments" de l'équipe 1 on trouve :
- il existe des mots français pour chaque mot anglais (faux, et l'inverse est tout aussi vrai)
- il est important de résister à l'envahissement de l'anglais (si ça ce n'est pas militant7 ...)
- on est les derniers gardiens du français, vous, les Français devriez être de notre coté (personnellement, quand je veux parler d'un emploi, je n'utilise pas job, mais travail ...
Et ce n'est qu'un exemple isolé8)
L'équipe 2 elle, précise les points suivants:
- Wikipédia est francophone et non française donc cette guéguerre est non seulement déplacée, mais n'a pas lieu d'être (vrai, c'est même une conséquence d'un principe
fondateur).
- il est stupide d'imaginer que le français est une langue "pure" : les exemples cités de magasin, cher aux Québecois, et ski, sont sur point éclairant (il est
stupide9 d'imaginer qu'une langue est étanche, que cela soit local ou mondial).
- de même qu'il est stupide de penser que l'anglais n'intègre pas également des mots d'autres langues, et donc du français (vrai, des notions basiques de l'histoire de la langue le montrent
sans ambiguité).
Comme le leur dit Moyg en début de discussion: "J
e crois surtout que tu n'as rien compris au fonctionnement de Wikipédia qui ne doit pas servir à défendre des causes, aussi nobles
soient-elles". Et je rajouterai à ce commentaire : et leur combat au sein de Wikipédia n'est pas noble (défendre un français régional au sein de Wikipédia francophone ?) mais
limite idiot. Voire carrément insultant pour les autres Francophones (majoritaires), comme le prouve cet extrait :
Il faudra bien vite que les «chasse-gardés du français» (les Québécois et les Canadiens francophones) aillent «re-franciser» leurs cousins européens, qui se sont égarés ces dernières années.
C’est dommage, mais le français continue de vivre et à évoluer (dans le bon sens) grâce à l’OQLF, qui (par chance)
restreint le pouvoir, au Québec, de la passoire qu’est l’Académie française. (Jimmy Lavoie).
Non seulement
Jimmy (en bon français : Jacquot) se permet d'émettre une
énormité (les francophones canadiens parlent un français meilleur que celui des Européens), mais il la double de
conneries monstrueuses, à savoir qu'une minorité pourrait influencer
l'immense majorité des Francophones (première) en se basant sur les décrets émis par l'OQLF grâce à qui le français évoluerait (et le chien de prairie, il met le chocolat dans le papier alu ?
deuxième), alors que l'Académie française ferait le contraire (troisième). Oui mais voilà, l'Académie française n'a aucun pouvoir linguistique ... Une preuve supplémentaire de manifestation de
l'esprit pour le moins obtus de ces cousins d'outre-Atlantique.
Et rebelote.
La discussion a rebondi
encore une fois avec une
nouvelle intervention de Antaya, se plaignant qu'un contributeur
ait changé l'utilisation de balladodiffusion (terme québecois) en podcast (terme français). Khayman saute sur l'occasion immédiatement en venant clamer (non pas directement, le courage n'est pas
à confondre avec l'obstination) que les autres Francophones sont de méchants vilains pro-anglais, et qu'on est vachement bien au Québec entre gens qui parlent un bon français. Un vrai vécu
social, comme il dit.
Et un autre Don Quichotte de la langue, Gilbertus, vient lui apporter un soutien appuyé, en déplorant encore une fois la "contamination" du français européen (qui, n'en déplaise à ces messieurs,
reste quand même le français
majoritaire dans le monde) par l'anglais. D'ailleurs, il en est tellement persuadé qu'il écrit
ceci :
La bonne nouvelle, dans tout cela, est que dans quelques années les Français viendront faire des stages de formation linguistique au Québec ou simplement pour redécouvrir la langue surannée
de leurs aïeux et nous devrons alors former des interprètes pour les accueillir – des futures jobs en sorte.
Cela attire un double commentaire :
- le francophone moyen a déjà besoin d'une traduction pour comprendre le québécois moyen. C'est en tout cas ce que pensent les gens de la télévision quand ils proposent des séries
québécoises à l'antenne. Ce qui n'est pas forcément le cas pour des séries du Burkina Faso. Mais soyons justes. J'ai aussi vu des sous-titrages pour les éditions locales de France 3, quand il
s'agissait de reportages sur des coins reculés de régions isolées mettant en scène de vieux habitants du coin.
- quand on finit une phrase par une locution du style : des futures jobs en sorte, on s'abstient de venir donner des leçons de pureté linguistique. Car job est un mot on ne peut plus
issu de l'anglais. Car, si on transpose en français, les terme d'emploi ou de travail sont masculins. Enfin, "en sorte" ne veut rien dire du tout.
Et caetera. Oups. Pardon. Et encore plein de choses.
Et donc ?
Et donc, en tant que francophone français, ces rodomontades
québécoises de quelques Québécois font plus que m'agacer. Je ne
doute pas non plus qu'elles agacent aussi les autres francophones européens, ou d'autres continents. Récapitulons quelques problèmes de compréhension que manifestent nos "assiégés" :
- le français est une langue vivante, donc évolutive. En tant que tel, le français a intégré, intègre et intégrera, que l'Office québécois de la langue française le veuille ou non, des termes
ou vocables étrangérophones (anglais ou autre), en en conservant ou en déformant le sens, voire en le faisant coexister avec des termes bien français.
- le français du Québec n'est qu'une des variations régionales du français. Ni moins, mais certainement pas plus. Et en tant que tel, n'a aucune prépondérance sur le français majoritaire
- Wikipédia n'a pas vocation à soutenir ou héberger un combat linguistique. C'est contraire à la politique de neutralité de point de vue et constitue clairement du prosélytisme, doublé d'un
comportement assez insultant envers les contributeurs européens et particulièrement français, en l'occurence.
- Un projet sur Wikipédia n'a pas à être instrumentalisé par qui que ce soit (et ce n'est pas une exclusivité du projet:Québec) et doit respecter les principes fondateurs de Wikipédia.
Il y a donc un
léger souci, que j'identifie personnellement comme germe de gros problèmes à venir si des mesures ne sont pas prises
rapidement (et une surveillance de ces contributeurs entreprise pour les ré-aiguiller). Et on aura à se confronter à une réédition des arbitrages "belges", pour des raisons similaires mais moins
politiques.
Une des questions qui peut se poser est donc la création d'une version de Wikipedia en français du Québec (histoire de les isoler une bonne fois pour toutes). Oui mais voilà ... Les anglophones
n'ont pas eu cette idée saugrenue concernant les différentes variations de l'anglais. Et comme je l'indiquais dans mon
précédent
billet sur le problème, il y a quelques bonnes raisons.
Alors ? Je ne peux que renouveller ici mes voeux pour que ces âneries s'arrêtent rapidement.
1. Ou du moins était devenu visible.
2. Ah les Wikipompiers ... Il faudra que j'y revienne.
3. Dans le genre rire jaune pour celui qui "tient" à Wikipédia, et rire moqueur pour celui qui n'y tient pas.
4. Quoi ? Les règles ? Ca n'existe que pour les autres, bien sûr.
5. Et ?
6. Encore un projet à fort potentiel trollogène et non neutre.
7. Et en plus, en France, en ce moment le problème c'est l'envahissement de la version nordiste du picard, appelée aussi ch'ti depuis un certain film.
8. Je connais quelques Québécois (en vrai), et ils m'ont toujours indiqué que leur français est largement contaminé par l'anglais.
9. Et je reste mesuré.